Visite du camp de concentration de Natzwiller - Struthof

Visite du camp de concentration de Natzwiller - Struthof

A l’occasion d’un déplacement d’agrément en Alsace début septembre 2021, j’ai visité ce camp de concentration, que je connaissais déjà et dont la redécouverte m’a laissé un ressenti d’horreur et de douleur…

 

L’armistice signé le 22 juin 1940 à Rethondes, coupe la France en deux parties par une ligne de démarcation ; la zone occupée reste française, mais est soumise aux droits de la puissance occupante.

Le 27 septembre 1940, l’armistice est violé et les trois départements de la Moselle et de l’Alsace sont annexés et intégrés à l’Allemagne pour la 2ème fois de leur histoire, la 1ère remontant à la défaite de la France contre la Prusse en 1870/71.

Le camp de NATZWILLER (germanisé en NATZWEILER) est ouvert officiellement le 1er mai 1941 et construit à partir du 21 mai 1941.

Il reste l’unique camp de concentration situé sur le sol français ; ce n’était pas un camp d’extermination à proprement dit, même si de nombreuses exécutions y ont été pratiquées.

Ce camp a été installé à 800m d’altitude, dans les Vosges alsaciennes, dans le Bas-Rhin, sur la commune de NATZWILLER, au lieu-dit le « Struthof ». Son emplacement a été décidé par le géologue colonel SS Karl BLUMBERG, à la suite du repérage par l’architecte du Reich Albert SPEER de la présence de filons de granit rose.

C'est un ensemble complexe composé du camp « souche » de STRUTHOF et de nombreux commandos (camps de travail annexes) au nombre d’environ 70, situés en Alsace, Moselle, Meurthe et Moselle et Allemagne et qui dépendent de lui. Sur les 52 000 prisonniers qui y ont été déportés, 22 000 sont morts. Ce camp est, avec MATHAUSEN, l’un des camps les plus meurtriers avec un taux de mortalité de 40%.

Les gardiens

Cinq commandants se sont succédé : Hans HUTTIG, Egon ZILL, Joseph KRAMER, Fritz HARTJENSTEIN et Heinrich SCHWARTZ pour les camps annexes. Ils disposaient de 80 hommes pour la Kommandantur et 150 hommes pour la compagnie de garde.                     


Après la guerre ce camp deviendra un centre de détention pour les prisonniers de guerre et collaborateurs condamnés par la justice.

La villa, siège de la Kommandantur

Les détenus

Au début, les premiers déportés du camp sont principalement des Allemands détenus de droit commun, asociaux, Roms ou politiques.

A partir de 1942, arrivent des prisonniers de guerre : Soviétiques, Polonais, Belges, Néerlandais, Norvégiens et Français. Parmi ces derniers, de nombreux militaires, membres de l’Armée Secrète, de l’Organisation de Résistance de l’Armée.

Tenues de déportés français

En juin 1943, le premier convoi « Nacht und Nebel » se présente au camp. Les dirigeants nazis considéraient que les résistants des pays qui avaient signé un armistice n’étaient pas protégés par les conventions de La Haye.


HIMMLER, le chef des SS, donne ses instructions à la GESTAPO :

 

« Pour ceux qui sont coupables de délits contre le Reich, une condamnation au pénitencier ou aux travaux forcés envoie un message de faiblesse ; la seule force de dissuasion possible est soit la peine de mort, soit une mesure qui laissera la famille et la population dans l’incertitude quant au sort réservé au criminel ».


Le Maréchal KEITEL publie cette lettre :

 

« Les prisonniers disparaîtront sans laisser de trace ; aucune information ne sera donnée sur leur lieu de détention ou sur leur sort ».

 

Selon certains, le statut « Nacht und Nebel » ferait allusion à un passage de l’opéra de Wagner « L’Or du Rhin », dans lequel le roi des Nibelungen - coiffé de son casque magique – se change en colonne de fumée et disparaît tandis qu’il chante « Nacht und Nebel, niemand gleich » (« Nuit et brouillard, plus personne »)

La vie dans le camp

Les conditions de survie sont parmi les plus dures du système nazi :

 

- Travaux forcés, extraction et transport des blocs de granit rose ;

Entrée de l'un des tunnels de la carrière

- Expériences médicales pratiquées dès 1941 sur les détenus par des scientifiques nazis de l’Université de Strasbourg :

       l’anatomiste August HIRT (il s’est suicidé le 2 juin 1945)

       le virologiste Otto BICKENBACH

       le bactériologiste Eugen HAAGEN.

Ils seront tous les deux condamnés à 20 ans de travaux forcés par le Tribunal militaire français de Metz le 15 mai 1954 et amnistiés l’année suivante.


Les cobayes humains étaient surtout des Juifs et des Tziganes ; il s’agit d’expériences sur les actions des sulfamides, du gaz phosgène (gaz de combat) qui ont entraîné de nombreux décès.

 

Le professeur August HIRT se fait livrer 86 prisonniers juifs d’Auschwitz pour être gazés en août 1943 ; il crée sa collection de squelettes car il considérait que les Juifs avaient une anomalie anatomique et souhaitait le vérifier.

Table d'autopsie

- Exécutions des résistants et prisonniers de guerre dans une sablière située à 100m du camp ; les victimes sont fusillées ou tuées par un coup de révolver dans la nuque, puis transportées au four crématoire.

D’autres sont pendues ou soumises au chevalet de bastonnade.

La plupart du temps, les victimes n’étaient pas répertoriées dans le fichier du camp ; ainsi il n’y avait de trace nulle part.

Parmi les internés, on peut citer :


le Général Aubert FRERE, fondateur de l’Organisation de Résistance de l’Armée, qui meurt d’épuisement le 13 juin 1944 ;

 

le Général Paul LABAT, des réseaux ALLIANCE GALLIA, exécuté dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 :

 

le Colonel Pierre LISBONNE (cousin de Simone VEIL), résistant français juif, membre du réseau Marco Polo, mort le 28 juillet 1943 ;

 

Léonce VIELJEUX, Colonel de réserve, maire de LA ROCHELLE jusqu’en 1940 et son neveu Franck DELMAS, membres du réseau ALLIANCE, abattus dès leur arrivée dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 ;

 

le Général Charles DELESTRAINT, Compagnon de la Libération, chef de l’Armée Secrète, transféré à DACHAU où il est exécuté le 19 avril 1945 ;

 

le Prince François-Xavier de BOURBON PARME, chef de la communion carliste, transféré à DACHAU ;

 

André VERCHUREN, artiste franco-belge, déporté le 2 juillet 1944 à DACHAU, puis transféré le 24 août à NECKARELZ, camp annexe de NATZWILLER .

 

Face à l’avancée des troupes alliées, le camp est évacué vers d’autres camps du 2 au 20 septembre 1944 ; ce fut le premier camp découvert par les Alliés à l’Ouest de l’Europe.

Aujourd'hui

A la gloire des résistants français exécutés ou disparus dans les prisons nazies 

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