Marius JACQUIN

Marius Jacquin
« Appelé pour effectuer mon service militaire en Algérie, j’ai été affecté le 4 mai 1949 au 2è Régiment de Tirailleurs Algériens.
A la fin de mon service, je m’engage et suis désigné pour rejoindre l’Indochine, où le Général de Lattre est arrivé début décembre 1950, avec les pleins pouvoirs civils et militaires (Haut Commissaire et Commandant en Chef) ; j’embarque à Marseille le 12 avril 1951 et débarque à SAIGON le 12 mai. De là, toujours par bateau, je suis dirigé sur HAIPHONG (1) au Tonkin où je prends le train pour HANOI (2).

Je suis alors affecté au 22è Bataillon de Tirailleurs Algériens dont la base arrière est à GIA-LAM, terrain d’aviation près de HANOI ; ce Bataillon, stationné en Cochinchine, a été rapidement acheminé au Tonkin en renfort pour la bataille de VINH YEN (3) début 1951 (perdue par le Viet-Minh).

Après avoir quitté VINH YEN pour UONG BI (à 20km au nord de Haïphong) par un convoi routier escorté, je suis affecté à la 2è Compagnie stationnée à BI-CHO (sur les 1ers contreforts du massif de DONG-TRIEU (4); ce poste, relativement important, entouré de barbelés et de murs, a été pris par le Viet-Minh.
La Compagnie, stationnée sur des petites collines à proximité, est chargée d’assurer la sécurité des restes du poste et des passages ; elle doit s’opposer au retour de nos ennemis.
Il pleut beaucoup ; nous couchons à même le sol de nos tentes individuelles. Au cours d’une toilette sommaire dans un petit ruisseau à l’eau claire, quelle n’est pas ma surprise de voir plusieurs sangsues accrochées à mes jambes ! Je m’en débarrasse à l’aide d’une cigarette allumée…
A la section de commandement de la Compagnie, je suis chargé des transmissions et des codes, du mortier de 60mm, de la mitrailleuse (d’un modèle que je ne connais pas), des cartes, etc… Je m’adapte aux matériels et aux personnels, n’ayant aucun problème avec les uns et les autres (Européens, Nord-Africains, jeunes soldats, vieux briscards) en raison de ma connaissance du milieu humain acquise en Algérie.
Après quelques semaines, le Bataillon se rend à CAN HOACH, près de HANOI ; début juillet 1951, nous participons sans grand résultat à 2 opérations, dont une avec le célèbre commando Vandenberghe.
Puis, notre Compagnie se rend à NINH BINH (5) où le  Lieutenant Bernard de Lattre vient d’être tué au combat sur un rocher (30 mai).

Ensuite, elle revient à UONG-BI, où elle est logée dans une usine partiellement détruite ;
je me livre à des rédactions diverses (sur la photo, je suis de face) : courriers personnels, bulletins de renseignements quotidiens, journal des marches et opérations.
Sur la table : un encrier et une bouteille servant de bougeoir.
Puis ma Compagnie est affectée à BI CHO courant septembre, où elle est chargée de la protection du génie de la Légion.
En octobre, nous sommes relevés par le BMAOF (Bataillon de Marche d’Afrique Occidentale Française) qui occupe les blockhaus ; nous sommes envoyés dans le secteur de DONG TRIEU à KINH CHU pour des opérations locales.
De là, avec tout notre matériel, nous devons gravir les pentes abruptes d’une sorte de falaise, pour embarquer sur 2 bateaux qui nous conduisent dans le secteur de THAI BINH-TRA LY (6).
Courant décembre, le sergent fourrier est relevé de ses fonctions, qui me sont confiées - alors que je n’ai rien demandé – et il me remplace. Je m’interroge toujours sur cette mutation… Il sera tué moins d’un mois plus tard. Je me suis rapidement adapté à mes nouvelles fonctions qui ne me plaisaient guère !

A NAM DINH(7), je participe aux ouvertures de routes et, volontairement, à des opérations de ma Compagnie stationnée à VU-DIEN au bord du Fleuve Rouge (8).

Arrivé en fin de contrat en juillet 1952, je suis rapatriable ; mais, désirant effectuer le séjour normal fixé à 27 mois, je rengage…
Enfin, j’arrive en fin de séjour et j’embarque à HAIPHONG le 16 août 1953, pour débarquer à Marseille le 21 septembre ; je suis toujours sergent, alors que je suis titulaire du certificat interarmes, de la Croix de Guerre et de bonnes notes…
Aujourd’hui, je pense qu’avec des concessions réciproques ce conflit aurait pu être évité. Dernièrement, le message de la Ministre des Armées citait 100 000 morts ; c’est peut-être plus. Il faut aussi compter les morts inconnus, les familles éprouvées.
Mes pensées vont vers toutes ces victimes et le temps qui passe ne les efface pas de ma mémoire.
C’est bien pour cette raison que je me suis fortement impliqué dans des associations et plus modestement au Comité de Côte-d’Or de la Fondation Maréchal de Lattre.
Je me suis également impliqué dans l’édification du Monument érigé à Dijon et dans l’édition du Mémorial des 328 Côte-d’Oriens Morts pour la France en Indochine et Corée ».

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