77ème anniversaire de la Libération de Champagney (70) et de la mort du Général BROSSET

Visite à Champagney (70)

à l'occasion du 77ème anniversaire de sa Libération

et de la mort du Général BROSSET

(1ère Division Française Libre) à l'automne 1944

A l’invitation de Madame le Maire, Marie-Claire FAIVRE, le 14 novembre 2021, Philippe JAVELET (Président de l’Amicale des Anciens de la 1ère DFL de Côte-d’Or) et son épouse Christine, ainsi que moi-même (Vice-Présidente et Trésorière) sommes allés à Champagney (Haute-Saône) à l’occasion du 77ème Anniversaire de la Libération de la commune et de la mort accidentelle du Général BROSSET qui commandait cette division.

Marie-Claire FAIVRE, maire de Champagney

Champagney

Le Général BROSSET la veille de sa mort

Retour en arrière…

 

A l’automne 1944, la Franche-Comté est le théâtre de la déroute de l’armée allemande ; ce n’est pas une débâcle totale, car les Allemands font encore front. On pense que la délivrance n’est plus qu’une question de jours, d’autant plus que Besançon a été libérée le 8 septembre.

C’est une erreur terrible, car il faudra attendre la mi-novembre pour que l’ennemi soit délogé ; la guerre, telle qu’elle n’a pas été connue en 1940 dans ce secteur, va durer deux mois et sera un vrai calvaire pour la population, en présence d’un occupant d’autant plus cruel qu’il sait la guerre perdue.

 

De fin août à la mi-septembre, la RN 19 qui traverse Champagney est la cadre de la retraite des troupes allemandes ; les convois sont mitraillés par les avions alliés qui volent à basse altitude. Radio Londres donne cette consigne à la population : « Ecartez-vous des grands axes, mettez-vous à l’abri, ensuite rejoignez vos ruines ».

 

Dans sa fuite, la Wehrmacht emmène des vieux camions, des chariots, des bicyclettes, des faucheuses, des machines à coudre, du mobilier mais aussi des porcs, des moutons, des chevaux, etc…

Arrivent en renfort à Champagney les cosaques de l’armée VLASSOF : ce sont des soudards qui n’ont rien à voir avec une armée régulière ; ils sont originaires du Don, de l’Oural, d’Ukraine, de Mongolie.

D’un côté, il y a des « volontaires » recrutés dans les prisons -  de la Russie occupée - pour des délits et crimes de droit commun ; de l’autre, des Ukrainiens incorporés de force, qui détestent les Russes et le régime soviétique. Même l’encadrement allemand craint ces tristes alliés !

La population est terrifiée par ces pillards, sales, qui volent les oeufs, le vin, boivent de l’alcool à brûler et n’hésitent pas à tuer des civils.

 

Les 18 et 19 septembre, les divisions américaines - qui ont libéré Besançon, Vesoul, Lure – font mouvement vers les Vosges en laissant la responsabilité du secteur aux deux grandes unités du 2è Corps d’Armée français : la 1ère Division Française Libre et la 1ère Division Blindée, toutes deux constituant – avec d’autres – la 1ère Armée Française du Général DE LATTRE DE TASSIGNY.

Les deux tiers du département sont libérés en onze jours mais le plus dur reste à accomplir ; les Alliés ont bousculé les prévisions les plus optimistes mais après une chevauchée de plus de 800 km depuis la Méditerranée, ils sont à bout de souffle, de carburant, de munitions et de ravitaillement.

L’ennemi, lui, s’est réorganisé, soutenu par une artillerie puissante, protégé par d’importants champs de mines.

Le duel d’artillerie commence ; durant 55 jours, Champagney recevra entre 40 000 et 50 000 bombes et obus, sous une pluie et une neige incessantes qui feront monter les eaux du Rahin (rivière qui traverse la commune). Les habitants comprennent qu’ils doivent se préparer à un séjour prolongé dans les caves, parfois inondées.

Le Rahin

Les premières journées d’octobre sont sanglantes sur Ronchamp et Eboulet : d’un côté, des Allemands de plus en plus jeunes (15 à 16 ans); de l’autre, le 22ème BMNA (Bataillon de Marche Nord-Africain), les BM 21 et 24 ainsi que l’escadron BARBEROT (Régiment de Fusiliers Marins).

 

Le Général BROSSET et le Commandant SAINT-HILLIER sont légèrement blessés par des éclats d’obus ; les habitants des localités concernées ont passé des nuits dans des abris aménagés dans le vide-sanitaire de leurs maisons.

Le BMNA perd 58 hommes dont son aumônier, le Père BIGOT, fait prisonnier puis assassiné d’une rafale de mitraillette dans le dos.

 

Le front se stabilise jusqu’au 19 novembre et devient une guerre d’embuscade dans la pluie, la boue et la neige ; l’épreuve était particulièrement dure pour les Tirailleurs africains et les soldats du Pacifique qui sont évacués, souvent pour des pieds gelés, et remplacés par de jeunes Français engagés FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) et intégrés.

 

Champagney est pris sous le feu de l’artillerie française dont les observateurs ont pris position dans les ruines de la chapelle de Ronchamp ; l’objectif est clair : il faut déloger l’Allemand, coûte que coûte.

Le 14 novembre, malgré une violente tempête de neige, le 1er Corps d’Armée déclenche son offensive, de Montbéliard à Belfort. La 1ère DFL avec le 2ème Corps d’Armée du Général MONTSABERT attend son heure avec impatience ; son objectif est Champagney-Giromagny (le Général DE LATTRE sait que la 1ère Division Blindée = 1ère DB et la 1ère DFL vont lui être retirées pour le front de l’Atlantique : Bordeaux et la poche de Royan).

Avec l’offensive du 19 novembre, le départ de la 1ère DB est annulé et celui de la 1ère DFL reporté.

 

Le 18 novembre, les Allemands ont quitté Champagney en faisant sauter le pont à l’entrée du village et le tunnel de la Chaillée, mais n’ont pas abandonné toutes leurs positions en forêt.

Le matin du 19, vers 10h/10h30, les fantassins du BM 21 avec à leur tête le Général BROSSET arrivent au village ; à sa vue, un habitant lui dira :

« Mon Général, c’est la première fois que je vois un général à la tête de troupes » !

Tout danger n’est pas écarté à cause d’un nid de résistance allemand et les habitants reçoivent l’ordre de retourner dans leurs abris.

Au cours de ces deux mois, 115 villageois ont été tués par les bombardements et les mines, 120 ont été blessés.

En mémoire des libérateurs et des victimes

Le 21 novembre, une nouvelle dramatique arrive dans la 1ère DFL : « BROSSET, notre Général, est porté disparu à la suite d’un accident… » (Lieutenant Louis LECLERC, engagé au 1er Bataillon de génie de la 1ère DFL - « Mémoires de guerre d’un Français Libre »).

Leslie SANSSOUCY, soldat de ce même Bataillon, relate dans ses « Souvenirs de guerre » :

« Les Vosges : froid, pluie, boue. Les hommes du génie sont à la tâche pour maintenir les communications, trouver des itinéraires ; les bois touffus facilitent la résistance des Allemands… les ponts sont minés, nous devons les déminer, reconstruire les routes.

Le Général BROSSET est toujours en tête pour inspecter et encourager les troupes.

Le 20 novembre, sa jeep est enlisée ; il réquisitionne une jeep au détachement de la circulation routière… la jeep dérape et, sous nos yeux, nous la voyons basculer et tomber dans le Rahin où elle s’enfonce.

Le Général BROSSET conduisait ; à ses côtés, son chauffeur PICOT assis à droite et son aide camp, Jean-Pierre AUMONT, assis à l’arrière… ».

Le Rahin de la mort

Jean-Pierre AUMONT

En souvenir du Général Diégo BROSSET

Dans ses souvenirs, l’acteur de cinéma Jean-Pierre AUMONT raconte :

« Des mains m’agrippent et me hissent sur la berge. Le Général ? Où est le Général ? J’entendis me répondre « Ne vous en faites pas », mais je compris vite qu’on me mentait. Le chauffeur était bien là, saignant, sur la route… Un câble avait été attaché au pare-chocs, la jeep émergeait. Je vis le Général raide, immobile, à son volant. Puis il bascula et fut emporté par le torrent ».

 

Son corps est retrouvé le 22 novembre et rapatrié à Lure où la veillée funèbre est organisée par mon père, l’Adjudant Pierre ALBERT de l’Unité Médicale HADFIELD-SPEARS.

 

Les obsèques du Général BROSSET ont lieu le 23 novembre en l’église de Lure. Il repose au cimetière de Rougemont (Doubs), au milieu de ses hommes tombés en ce triste automne 1944.

Le Général DE LARMINAT adresse au chef de la 1ère DFL, l’homme aux dix citations, Commandeur de la Légion d’Honneur et Compagnon de la Libération, un bel hommage :

« … comme en d’autres temps où les héros mouraient à cheval, il est mort au volant de sa jeep qu’il menait si durement au combat au mépris des mines, des obus et des balles pour conduire au plus près la bataille de sa division…

Sa division, il l’aimait comme une amante et aussi comme une fille. Il l’avait faite avec un soin minutieux, attentif aux moindres détails, la voulant irréprochable. Et il la menait au feu avec hardiesse et prudence, s’exposant sans ménagement pour économiser le sang de ses hommes, pour tirer de leur valeur tout le parti possible au prix des moindres pertes… Adieu BROSSET, vous aviez tout donné de vous-même pour la libération et le relèvement de votre pays : vous êtes tombé avant d’avoir pu accomplir tout ce que vous vous proposiez, qui était grand et noble, à votre mesure. D’autres le feront, inspirés par votre souvenir et votre exemple ».

 

Enfin, le 26 novembre, parvient à la DFL un message du Général DE GAULLE :

« … Le Général BROSSET était mon bon compagnon, mon ami. Jamais je n’eus de lui que des preuves indéfiniment prodigues d’ardeur, de désintéressement, de confiance… Ses derniers regards furent ceux d’un vainqueur puisqu’il vous conduisait à l’une des plus glorieuses victoires de cette guerre. Il est tombé sur le sol reconquis par vous sous son commandement ; c’est ainsi, je le sais, qu’il souhaitait mourir. Honneur au Général BROSSET, commandant la 1ère DFL, mort pour la France ».

 

Après des tractations entre le Général KOENIG et les officiers de la 1ère DFL, le Colonel Pierre GARBAY prend le commandement de la 1ère Division Française Libre.

A l'occasion de cet anniversaire, deux panneaux ont été dévoilés par Madame le Maire et par Madame Marie-Hélène CHATEL, déléguée thématique "Mémoire de la 1ère DFL" au sein de la Fondation de la France Libre :

1er panneau : l'épopée de la 1ère Division Française Libre

Second panneau : la Libération de Champagney.

Ces panneaux participent, avec d'autres, à la reconstitution de l'itinéraire de la Division.

Marie-Hélène remercie la municipalité et brosse un rapide historique de la DFL

Attention : prêtes ?

C'est fait : applaudissements

L'un des deux panneaux

 Liliane RIGAUD

 

Sources :  - Champagney à l’heure de sa libération par Alain JACQUOT-BOILEAU

                 - France-Histoire Espérance

 

Share by: