Sylviane LARTOIS

Sylviane LARTOIS-CAILLET
2ème Compagnie Féminine de Transmissions (Les « Merlinettes »)       
1944-1946
 « 8 septembre 1944
 Libération de Beaune où j’habite.

Octobre 1944
Rencontre de trois anciennes camarades d’école, employées des PTT, qui m’annoncent qu’elles s’engagent dans les Transmissions de l’Armée à la suite d’une conférence qui leur a été faite par une femme officier. Je suis enthousiasmée. J’ai très envie de les rejoindre. Elles me promettent de me faire envoyer un dossier dès leur arrivée. Ce qui fut fait.
Je me dépêche de constituer le fameux dossier ; mes parents sont réticents. Il ne me manque que l’autorisation paternelle (j’ai 18 ans) que j’ai du mal à obtenir. A force de ténacité je l’ai enfin !
De peur d’un retour en arrière, je décide de porter moi-même mon dossier au P.C de l’Armée qui se trouve, à ce moment-là, à Besançon. Un commerçant de Beaune, qui a une autorisation de circuler, accepte de m’emmener ; il me dépose au Fort de Besançon où je suis sensée trouver le service de recrutement. Mais, hélas pour moi, le P.C. de l’Armée a avancé d’un cran et se trouve à Montbéliard…
Au Fort, cependant, je trouve un centre de formation de radio-télégraphistes; on propose de m’incorporer car ils ont besoin de personnel. Le stage de formation est de 4 mois ; c’est long ! La guerre peut se terminer avant que je n’aie eu le temps de la gagner ! Et puis, je veux retrouver mes amies : je suis un peu perdue au milieu de ce monde d’hommes… On me propose de monter à bord d’un véhicule militaire pour me rendre à Montbéliard.
5 décembre 1944
Ce même soir, je suis incorporée : j’ai un paquetage et je me retrouve dans une chambrée avec d’autres filles ; je n’ai pas eu le temps de dire ouf ! Le lendemain, on m’annonce que je devrai effectuer un stage d’instruction militaire dans un centre à Salins-les-Bains dans le Jura.
Le mois de décembre 1944 est très froid : exercices, cours, manœuvres, marches de nuit dans la neige se succèdent. Je fais connaissance avec l’Armée. Nous sommes deux sections de quinze filles avec deux femmes officiers (une française et une anglaise) et deux hommes sous-officiers en tant que chefs de section. Un peu dur ce stage quand on sort du cocon familial mais il se passe dans une très bonne ambiance. Je me fais de nouvelles camarades.
Lorsque nous en avons terminé, le P.C. de l’Armée a encore avancé, nous nous retrouvons à Belfort.
Ma formation de secrétariat et comptabilité ne me rend pas très utile aux Transmissions. On me fait faire, en 2 semaines, un stage de télétypiste, puis –enfin- je suis affectée au Centre Hibou, P.C. arrière de l’Armée. Mes amies de Beaune sont, elles, au Centre téléphonique Hirondelle, P.C. avant de l’Armée. Je ne me suis donc jamais retrouvée avec elles.

Puis, ce que j’appelle le travail sérieux commence : horaires assez décousus, nuits de 12h, le service devant être assuré 24h sur 24. Il faut apprendre par cœur les indicatifs de toutes les unités reliées par télétype car il est défendu de noter quoi que ce soit. Peu importe, à 19 ans, la mémoire est bonne! Nous avons aussi de très longs messages chiffrés à transmettre par groupe de 5 chiffres, le destinataire devant les collationner. Fatigant à 4h du matin!

A Belfort, c’est l’infirmerie de la caserne qui sert de cantonnement au personnel féminin. C’est presque chauffé, un luxe par cet hiver-là. Nous inaugurons les pantalons que vous avons trouvés dans nos paquetages et même les caleçons d’hommes : c’est le fou-rire dans la chambrée, le soir, lorsque nous nous déshabillons!
Vers le printemps 45, nous nous retrouvons à Strasbourg, où je suis encore le 8 mai ; puis nouveau transfert à Rottweil en Forêt Noire. C’est joli, il fait beau ; je fais connaissance avec le pays de ceux qui nous ont envahis. Nous ne sentons pas trop d’animosité ; les choses se passent bien mieux que je n’osais l’espérer.
Beaucoup d’entre eux se sentent plutôt soulagés d’être débarrassés du régime hitlérien, même s’ils sont un peu dans l’angoisse de leur avenir.
A la fin de l’été, ma compagnie s’installe à Offenbourg. On commence à démobiliser. Si notre engagement est de la durée de la guerre plus trois mois,  nous devons attendre : les filles qui viennent d’Afrique du Nord et qui, souvent, ont fait la campagne d’Italie, sont prioritaires. Nous, les métropolitaines, nous voyons partir avec un serrement de cœur ces collègues avec lesquelles nous avons vécu d’une façon si proche pendant de nombreux mois. On promet de s’écrire.

Le classe 45 n’ayant pas été appelée, nous devons attendre (sans impatience, je dois le dire) que 46 fasse ses classes et que nous formions ces nouvelles recrues pour nous remplacer. C’est donc vers le début de septembre 1946 que je peux me présenter au Ministère de la Guerre pour y être démobilisée.

A l’issue de ma permission libérable, je suis retournée en Allemagne où j’ai été embauchée au H.C.R.F.A. (Haut Commissariat de la République Française en Allemagne) avec affectation à l’Inspection générale du désarmement à Freudenstadt. »
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