Solange HIEBLER

Solange HIEBLER
« A la Libération en septembre 1944, ma mère était déportée depuis deux mois ; me retrouvant seule, que faire? L’avenir s’annonçait plutôt sombre pour moi… C’est alors que l’idée m’est venue de rejoindre des camarades connus dans la Résistance.
Mais, je n’avais pas encore 16 ans, à une quinzaine de jours près. Il me fallait donc ruser si je voulais m’engager. Maladroitement, j’ai transformé tant bien que mal  mon année de naissance – un 8 en 7, ce n’est pas si facile. Cela n’est pas passé inaperçu aux yeux de l’officier, mais il les a gentiment « fermés ». Compréhensif!
L’ « Aventure » en points d’interrogation commençait pour moi !
La caserne, la vie en communauté, dans un  environnement d’hommes jeunes et moins jeunes, ne m’a pas effrayée ; vu ma situation personnelle, je me suis sentie en famille et protégée. Moralement j’avais besoin de cette protection et d’emblée j’ai été bien acceptée. Et en raison de mon allure de gamine timide, rougissant à la moindre allusion, j’ai été respectée par tous, et ceci durant tout le temps passé dans ce milieu d’hommes ; j’étais considérée comme la « mascotte » de la Compagnie, ce qui ne me déplaisait pas.
Mais, fin novembre, l’Aventure a pris une autre tournure. Je quittai l’Etat-Major (où je faisais fonction de secrétaire) pour suivre la Cie qui faisait mouvement en direction du territoire de Belfort ; ce n’était plus l’ambiance de la caserne !
Les régions traversées, Haute-Saône, Doubs, sous la pluie, dans la boue, les routes inondées, les forêts aux troncs éraflés par la mitraille, m’ont beaucoup impressionnée; vision de guerre aussi avec ces carcasses de chars et de véhicules. Dans cet endroit, le front s’étendait du sud du Doubs à la frontière suisse; justement où nous allions, puisque la mission du Bataillon était la surveillance de la route de l’essence.
Nous avons quitté cette région fin mars 1945, en direction d’Altkirch ; certains éléments l’ont fait en camions, d’autres à pied, sac au dos ; j’étais de ceux-là : 27 km que je ne suis pas près d’oublier ! Mise à part la fatigue, j’ai éprouvé une certaine fierté en le faisant, prouvant à mes camarades et à moi-même que j’étais capable de cela… D’autant plus que les éléments étaient déchaînés, toujours la pluie et la boue !
Les jours qui suivirent nous menèrent à Strasbourg – via Erstein et Mulhouse- en avril ; les obus tombaient encore sur Strasbourg, particulièrement dans le secteur de la gare. J’ai encore en mémoire cette maison de 2-3 étages s’effondrant à quelques pas de nous, comme un château de cartes. De même que ces 2 enfants, quand nous étions dans la banlieue de Strasbourg, qui, un dimanche matin, en jouant, ont sauté sur une mine : l’un tué, l’autre ayant certainement perdu les 2 jambes. Témoin de cela, j’en ai été profondément choquée…
Vint ensuite le 8 mai ! Joie indescriptible, fêtée jusqu’au petit matin, place Kléber !
La période qui a suivi a été tout à fait différente ! Nombreux défilés, en hommage et en présence des grands chefs de guerre, y compris le Sultan du Maroc ; pour eux, il avait fallu se mettre au pas !
Puis vint, pour moi, la démobilisation, début juillet 45, motivée par le retour de ma mère ; autre joie, autre façon de vivre.
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